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ODIN

Tant mieux ! laisse-nous vivre en vaillants que nous sommes.
Dieux ou mortels, le sang versé nous réjouit.
Quand de mâles guerriers luttent jusqu’à la nuit,
A nombre égal, le fort en face du robuste,
Je dis que la bataille est une chose juste !
Je me plais, lorsqu’ils vont en guerre par milliers,
A mugir dans le creux de leurs grands boucliers.
Ah ! qu’ils sont beaux, filant aux lueurs des étoiles,
Les hardis rois de mer, sur leurs chevaux à voiles !
Dans leurs âpres combats, quand se heurtent les nefs,
La hache retentit sur le crâne des chefs ;
La lueur de l’épée entre dans leurs prunelles.
Les oiseaux, convoitant les morts, battent des ailes ;
La mer s’enfle ; le ciel est plein de cris aigus ;
Et des bancs de poissons s’engraissent des vaincus.
J’ai moi-même, orgueilleux de ces luttes viriles,
Refoulé les géants vers leurs déserts stériles.
Thor leur serrait le cou comme dans un étau
Ou les frappait avec son agile marteau,
Bien qu’ils eussent le crâne aussi dur que des pierres.
Moi, sans pâlir, j’allais soulever leurs paupières
Pour éteindre l’éclair de leur regard cruel,
Et je lançais leurs yeux farouches vers le ciel !