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ODIN

Non, Vala. Mais je sais que la vache aux poils blonds
Pour assouvir sa faim léchait de froids grêlons,
Et qu’elle en vit surgir des cheveux, une tête,
Le corps d’un dieu. Son nom fut Bor. La douce bête
Veilla sur lui longtemps avec des soins exquis.
Mais Bor voulut avoir des fils ; et je naquis
D’une géante fraîche et robuste, pour être
L’ouvrier de ce monde, ô femme, et son vrai maître.
Ymer était stupide, inexorable, affreux.
Les jeunes fils de Bor, comme il marchait contre eux,
Lui lancèrent au front d’énormes blocs de glace,
Et le monstre, abattu, fut achevé sur place.
Puis mes frères et moi nous jetâmes son corps
En travers de l’abîme, après de longs efforts.
Son sang, qui ruisselait de blessures profondes,
Fit les fleuves bruyants, la mer aux vastes ondes ;
Sa chair devint le sol ; ses os furent les monts ;
Sa barbe et ses cheveux, les bois que nous aimons ;
Je fis de son cerveau répandu dans l’espace
Le brouillard du matin, le nuage qui passe ;
Et, pour être témoin de l’ordre universel,
Son crâne monstrueux fut la voûte du ciel…