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Tu cherches du regard tes premiers compagnons ;
Sur tes lèvres toujours reparaissent leurs noms…
Viens : t’enivrant près d’eux de bière et de musique,
Tu feras retentir ta harpe magnifique.
Puis tu contempleras des femmes aux grands yeux,
Au pénétrant sourire, au parler gracieux.
Elles feraient pâlir les reines que tu loues !
Comme la digitale en fleur brillent leurs joues ;
Et dans leurs fins cheveux, plus dorés que le miel,
Semblent étinceler tous les saphirs du ciel.
Tu verras flamboyer, en des chambres fleuries,
Leurs robes d’écarlate aux riches broderies.
Ensemble vous vivrez d’interminables jours ;
Vous ne vieillirez point ; les siècles seront courts ;
Et vos cœurs goûteront des voluptés tranquilles,
L’amour n’étant jamais défendu dans nos îles. »

J’écoute en souriant ces mots pleins de raison,
Et je laisse mes yeux se perdre à l’horizon…
Mais pourquoi rejeter avant l’heure ma vie ?
Je suis fameux ; plus d’un regarde avec envie
Ma robe en peaux d’oiseaux, peinte de trois couleurs.
Mon prince est un rameau d’argent couvert de fleurs ;
Et, quand le vent glacé siffle sur la bruyère,
J’aime à chanter pour lui, parmi des flots de bière.