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V

Pour moi qui ne sus point, dans ma rude jeunesse,
Eveiller le désir au cœur d’une déesse,
Par delà l’Océan j’irai, libre et dispos,
Recommencer la vie aux îles du repos.
Celle qui m’apparaît comme une ombre légère
Est une rayonnante et noble messagère ;
Elle vient du royaume heureux de l’Occident.
Sans bruit elle s’approche, et dit, me regardant :
« Toi que pour le savoir et l’âge l’on révère,
Quand t’élanceras-tu dans ma barque de verre ?
Le voyage, d’un seul coup de rame accompli,
Effaçant sur ton front jusques au moindre pli,
Ranimant tes yeux morts et tes lèvres fanées,
Te rendra pour jamais la fleur de tes années.
Viens voir la grande plaine, ami, le pays bleu,
La terre des vivants où chaque homme est un dieu.
Là, tout est pur et beau ; tout rit, le ciel embaume.
Quelle merveille ! on va de royaume en royaume.
Toute armée est au moins de cent mille guerriers.
Sous le poids de leurs fruits se courbent les poiriers ;
La cervoise est exquise et tombe en larges pluies.
Vieillard, les immortels t’invitent. Tu t’ennuies ;