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Nous parlons leur langage aux aigles des rochers.
Qu’une alouette chante, et nos cœurs sont touchés.
La pierre, sous nos pieds, parfois crie et s’anime,
Et pour nous l’univers est un discours sublime.
La foule peut frémir au rythme des chansons,
Mais non pas nous comprendre ; et seuls nous connaissons
Les âges de la lune, et le lieu solitaire
Où le soleil caché rêve loin de la terre.
Dans le trouble avenir, moi, je plonge mes yeux.
Je peux, en plein midi, voiler d’ombres les cieux,
Par un jour de juillet faire tomber la neige,
Disperser l’ennemi sans bouger de mon siège,
Détruire, par des noirs et soudains tourbillons,
Le fruit dans les vergers, l’orge dans les sillons.
Si notre amour est fort, nos haines sont tenaces.
Malheur à qui nous brave et rit de nos menaces !
Son corps ne sera plus qu’une plaie ; il fuira
Dans l’horreur de son mal aux îles de Téthra…

Or, du pays natal, un homme a vu l’Irlande.
On lance les vaisseaux ; et celui qui commande
Est Amairgen, le sage au parler grave et doux.
Les nôtres ramaient bien ; la brise était pour nous
Quand la flotte joyeuse approcha de la côte,
On aperçut les dieux sur une tour très haute ;