Page:Bouchor - Les Symboles, première série.djvu/248

Cette page n’a pas encore été corrigée



III

Le roi, s’étant levé, dépouille lentement
Le voile de sa face. Il regarde un moment
La terre où va grandir une ville immortelle ;
Et, sous le même joug, de ses mains il attelle
Une blanche génisse avec un taureau blanc
Dont jamais l’aiguillon n’ensanglanta le flanc.
Les deux fiers animaux, que le vent frais enivre,
Vont tirer la charrue où brille un soc de cuivre ;
Romulus tient le manche et brandit l’aiguillon.
Il commence à tracer, en cercle, le sillon
Où l’on verra surgir de robustes murailles ;
Et, la terre laissant déchirer ses entrailles,
Le roi chante, saisi par un esprit divin.
Le soc brise le glèbe ; et tout le peuple, afin
Qu’il ne soit rien perdu d’une terre aussi sainte,
Pieusement ramasse et jette dans l’enceinte
Ce qu’un profond labour fait rouler en dehors.
Mais, se taisant, le chef aux bras noueux et forts
Soulève la charrue et quelques pas la porte,
Pour marquer à jamais la place d’une porte.