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On prétend qu’il croissait dans l’ombre et le silence,
Lorsqu’un jour des Géants, trompant la vigilance
De ses mille gardiens, prirent son jeune corps,
Et, l’ayant par lambeaux : déchiré sans remords,
Puis jeté pêle-mêle au fond d’une chaudière
D’où le sang rejaillit en gerbes de lumière,
Firent bouillir la chair rayonnante du dieu.
Maïs son cœur ne fut pas entamé par le feu.
Et Pallas aux yeux clairs, dès que brilla l’aurore,
Le prit et le porta tout frémissant encore
A Zeus qui méditait, grave et plein de souci.
Le puissant Roi se lève ; il commande ; et voici
Qu’autour de ce cœur rouge, et qui fume et pantèle,
La substance du dieu se reforme immortelle…
Plusieurs, se souvenant, Bacchos, que tu mourus,
Immolent un taureau, goûtent ses membres crus,
Et pleurent ton supplice, ô maître de la vigne !
Ils disent que les tiens sont marqués par un signe
Et que dans les enfers tu les reconnaîtras.
Ils espèrent sentir l’étreinte de tes bras,.
Pourvu qu’asservissant l’indocile matière
Ils t’aient donné, Bacchos, leur âme tout entière,
Et que, sanctifiés chaque jour par la Loi,
Ils aient nourri le feu qu’ils reçurent de toi.
Ils pensent que le Juge établi sous la terre,
Partageant avec toi son trône solitaire,