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II

Je fus longtemps avant de penser par moi-même. Jusque-là l’histoire de mes idées ne présenterait guère d’intérêt ; mais d’autres que moi ont suivi le même chemin, et il peut être curieux de montrer sur un exemple l’aberration de ces esprits. Parmi ceux d’entre nous qui, de bonne heure, cessèrent de croire aux dogmes catholiques, plusieurs voulurent trouver leur repos dans le matérialisme. Je fus de ceux-là. C’est par réaction, sans doute, que nous prenions le contre-pied de tout ce qui avait été la foi de notre enfance. Il nous semblait hardi de nier le plus de choses possible ; et, comme le doute n’était pas de notre âge, nous choisissions parmi les métaphysiques la plus injustifiable de toutes, celle qui ne dit rien au cœur. Bien que la science nous parut trop timide, nous n’hésitions pas à l’invoquer en toute occasion. L’unité de substance était pour nous un vrai dogme ; et nous ne savions pas que cette matière éternelle et infinie, qui nous semblait être la raison dernière de tout, est une hypothèse dont la science n’a pas besoin de s’embarrasser. Nous ne comprenions pas que, si une réalité absolue se cache sous les phénomènes, il n’y a point de raison pour