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LE POÈTE


Beaucoup prennent le thyrse, et peu sont inspirés.
Apaisez ce tumulte, amis ; et vénérez
Le dieu consolateur des âmes éperdues.
Les plaintes des mortels sont parfois entendues.
Bacchos ne fut-il pas la joie et le repos
D’Ariane trahie et veuve au bord des flots ?
Or, l’île de Naxos m’est apparue en rêve.
Des flûtes et des chants résonnaient sur la grève ;
Les pins embaumaient l’air de leur vive senteur ;
Et des couples erraient avec grâce et lenteur
A travers les bosquets mystérieux de l’île.
Je vis Dionysos dans sa beauté tranquille.
De longs cheveux baignaient ses épaules ; le corps
Aux membres délicats, bien qu’agiles et forts,
Étalait noblement sa nudité divine.
Le dieu jeune est assis ; son regard illumine
Ariane joyeuse et couchée à ses pieds.
« J’ai connu l’abandon, mes torts sont expiés,
Dit-elle ; et, par les dieux sublimes que j’atteste !
Tout s’est évanoui comme un songe funeste.
Nul souvenir ne peut désormais me troubler,
Puisque tu m’as permis, Bacchos, de contempler
Tes doux et sombres yeux, dont la puissance est telle
Qu’ils éveillent en moi l’âme d’une immortelle.