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Souviens-toi d’Eleusis. Dans les mornes ténèbres
Quels frissons, quels soupirs, quelles clameurs funèbres !
Et soudain des torrents de jour ; les cieux ouverts ;
Et, couronnés de fleurs, d’or et de mortes verts,
Les dieux bons souriant aux âmes délivrées…
Rappelle-toi le chœur des voix désespérées,
Tandis que la déesse appelle en sanglotant :
« Ma fille ! » et le bonheur infini qui l’attend.
Songe à l’épi de blé qu’on moissonne en silence.
Que ton cœur vers la joie immortelle s’élance !
Bien ne périt ; et toi, tu fleuriras sans fin
Dans la pure Lumière et dans l’Amour divin.

Les heures vont s’enfuir d’un vol doux et rapide.
Tout sommeille : à nos pieds brille la mer limpide.
La lune s’est cachée ; et tandis que, rêvant,
Je jette dans la nuit mes paroles au vent,
Tu lèves tes regards vers les claires étoiles.
Je te vois qui frémis sous tes pudiques voiles…
Ah ! pour te contempler par des millions d’yeux,
Que ne suis-je le Ciel vivant et radieux !