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APOLLON


Hélas ! ô malheureux, ne m’interroge plus !
Nessos aux quatre pieds, dont les membres velus
Se tordirent, criblés de tes traits, le Centaure
T’infligera des maux que ta grande âme ignore.
La fin de tes douleurs sera ta propre fin.
Car tout s’expie ; et l’ordre immuable et divin
Réserve un châtiment à toute violence.
Quel fleuve de sang noir a jailli sous ta lance !
Jadis, pour posséder l’oracle souterrain,
Je tuai le Dragon aux écailles d’airain,
A l’œil rouge, parmi les lauriers du Parnasse.
Son souffle était pour tous une affreuse menace ;
Il se gorgeait de chair humaine ; et cependant,
Pour expier la mort du monstre à l’œil ardent,
Banni du ciel, je dus chercher une retraite
Dans l’ombre des forêts lugubres de la Crète…
La souffrance mordra tes os ; et tu crieras,
Invoquant tous les dieux et te tordant les bras.
Puis, afin d’abréger ton supplice, ô mon frère,
Tu construiras toi-même un bûcher funéraire
Sans cesser de souffrir et de hurler tes maux.
Tes mains entasseront les pins et les ormeaux,
Les puissants oliviers, les chênes séculaires ;
Et le vaste incendie, étouffant tes colères,