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L’aîné, levant ses bras pour m’entourer le cou,
Cria : « Grâce, mon père ! » Et moi, stupide et fou,
Comme il était trop près pour la flèche fatale,
Je l’assommai, pareil en ma rage brutale
Au forgeron qui frappe une masse de feu,
Bien que l’enfant tournât vers moi son doux œil bleu.
Quand ma lourde massue eût broyé sa cervelle,
Fériée, et possédé d’une fureur nouvelle,
D’un trait dans le venin de l’Hydre empoisonné
Je transperçai ma femme avec mon dernier-né.
Puis je tombai sans force et l’écume à la bouche.
Mes serviteurs tremblants me mirent sur ma couche
Et, longtemps, je dormis d’un odieux sommeil.
Hélas ! hélas ! qu’il fut horrible, mon réveil !
O couronne d’enfants par mes mains égorgée !
Je restai sans parole, et la tête plongée
Sous la peau du lion qui m’entourait de nuit.
Mon arc strident avait cruellement détruit
Tous les miens, mon foyer, ma paix, toute ma vie.
La rage de Héra n’était point assouvie ;
Mais ce fut une chose unique sous les cieux,
Lamentable pour moi, honteuse pour les dieux.
Tout homme, en me voyant, fuyait, s’il était sage ;
Les fleuves refusaient de me livrer passage ;
Et lorsque, m’asseyant, j’allais me délasser,
Une voix s’élevait du sol pour me chasser !