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Mais moi, j’ai plus souffert que les autres ensemble.
O rayonnant Archer, je pâlis set je tremble
En songeant que ma rage aveugle massacra,
Voici longtemps, ma jeune épouse Mégara
Avec trois beaux enfants, notre commune joie.
La cruelle Héra, voulant me perdre, envoie
La fille de la Nuit (son nom me fait horreur)
Celle dont les cheveux sifflent avec fureur,
Pour que, me désignant de trop chères victimes,
Elle entraîne mon âme aux plus sauvages crimes.
Tout à coup je me tais ; mes yeux roulent hagards ;
J’enveloppe mes fils de terribles regards ;
Une écume blanchit ma barbe ; et la démence,
Hélas ! sans tympanon et sans thyrse, commence.
O danse monstrueuse ! elle ne finit pas.
Par les libations, le rire et le repas,
Mais par le sang des miens, en dépit des prières,
Versé dans ma maison par mes mains meurtrières.
J’appelais Eurysthée et je croyais le voir.
Certes, depuis longtemps je caressais l’espoir
De venger par sa mort ma servitude infâme ;
Mais voici que lui-même, et ses fils, et sa femme,
Allaient tous recevoir de moi le coup mortel !
Et, comme un des enfants s’enfuyait vers l’autel,
Une flèche partit et lui perça le foie.
Mes yeux ensanglantés cherchaient une autre proie.