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Après j’eus un travail immense pour repos.
Augias possédait d’innombrables troupeaux ;
Ses vaches se suivaient dans les grands pâturages,
Comme l’on voit au ciel la foule des nuages
Se hâter quand le vent les chasse devant lui.
Dans les prés d’Augias l’œil était ébloui
Par douze fiers taureaux aussi blancs que des cygnes.
L’un d’eux, d’une bravoure et d’une force insignes,
Phaéton, rayonnait comme une étoile aux cieux.
Contre les sangliers et les ours furieux
Les douze taureaux, mus par la même pensée,
S’avançaient l’œil terrible et la corne baissée.
Le soir, quand les troupeaux revenaient lentement,
La campagne n’était qu’un seul mugissement ;
Et, fuyant vers la mer, l’Alphée aux eaux profondes
Y mêlait sourdement un bruit de grandes ondes.
Or, je dus nettoyer les étables du roi.
Sitôt que je les vis, je fus saisi d’effroi ;
Car on aurait couvert le vaste sol des plaines
De l’ordure sans nom dont elles étaient pleines.
Puis mon esprit confus s’illumina soudain.
Je contraignis Alphée à changer de chemin ;
Je fis un large trou dans le mur de l’étable,
Et le fleuve, avec un fracas épouvantable,
S’y rua bouillonnant de colère, et s’emplit
D’un monstrueux fumier qu’il roula vers son lit.