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Et, comme il chancelait, de mes muscles d’acier
J’étreignis brusquement le monstre carnassier
Dont le sang ruisselait par torrents écarlates.
Je lui serrai la gorge en écrasant ses pattes,
Et le lion rendit le souffle entre mes bras.
O vainqueur de Python, toi seul tu comprendras
De quel regard mes yeux couvèrent mon trophée,
Lorsqu’à mes pieds roula cette bête étouffée !
J’en arrachai la peau dont je couvris mon corps
Pour tenir désormais ma place outre les forts ;
Et sur mes blonds cheveux, en signe de victoire,
J’étalai fièrement la gueule aux crocs d’ivoire…
Mais, depuis lors, combien j’ai souffert et lutté,
Sans foyer, sans amis, loin de toute cité !
L’avenir me tourmente et le passé m’accable.
Héra, qui me poursuit d’une haine implacable,
Peut-être, en me voyant revenir vers les miens,
Voudra gorger de moi les oiseaux et les chiens…
Certes, la mort vaut mieux qu’une affreuse vieillesse.
Ah ! que je meure donc ! et que l’âpre déesse,
Étalant devant tous son triomphe odieux,
Trépigne insolemment sur le pavé des dieux !


APOLLON


La Grèce, ô mon ami, ne veut point que tu meures.
Avant de retourner vers tes riches demeures,