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Puis, lorsque j’eus grandi, ne songeant qu’à bien vivre,
Je caressai la coupe et souvent je fus ivre.
Je dévorais un bœuf sans épargner ses os.
Mon rire était sonore ; et, rival des oiseaux,
Je chantais bruyamment, ceint de fleurs et d’acanthes.
Compagnon de Cypris et des jeunes Bacchantes,
Je pressentais bien peu l’âpreté du chagrin.
Certes, j’avais alors l’esprit libre et serein ;
Et j’aimais à poursuivre en de fraîches vallées
Les fauves aux jeux bleus ou les bêtes ailées.
Mais où donc êtes-vous, antres du Pélion ?
Le jour où j’étouffai dans mes bras le lion
Qui semblait exhaler du feu par sa narine,
Quelle virile joie inonda ma poitrine !
Pour assaillir la bête, effroi de nos pasteurs,
Il me fut ordonné de gravir les hauteurs,
Et j’obéis sans crainte à mon maître Eurysthée.
J’allai sur la montagne, où la bête indomptée
Léchait avec lenteur son mufle teint de sang.
Je l’accablai de traits ; mais le cuir de son flanc
Restait impénétrable. Or, relevant la tête,
Le lion m’aperçut ; et la puissante bête
Courba comme un grand arc l’épine de son dos,
Puis bondit jusqu’à moi. J’eus le cœur d’un héros.
D’un massif olivier couvert de son écorce

Je frappai le lion, sur le crâne, avec force ;