Le fleuve s’avançait comme un taureau farouche
Et des montagnes d’eau lui croulaient de la bouche.
Soudain, serpent visqueux, il glissait de mes mains ;
Puis c’était un athlète aux muscles surhumains.
Mais celle qui, lisant dans les âmes royales,
Leur dispense à son gré les couches nuptiales,
Aphrodite, voulait que je fusse vainqueur,
Et je n’épargnai point ma force ni mon cœur.
Nous nous précipitions, pareils à deux tempêtes.
Quel sauvage fracas, choc des mains et des têtes,
Cris, souffles haletants ! Chacun fit de son mieux ;
Mais enfin j’accablai le taureau monstrueux,
Et Cypris décida par un calme sourire
Que je posséderais ton lit, ô Déjanire.
Ah ! puisse-je bientôt y délasser mon corps !
Surtout veuille l’Amour, qui dompte les plus forts,
Ne point livrer mon âme aux yeux d’une étrangère !
Car l’épouse est sacrée, et doit nous rester chère.
Conduisez-moi, grands dieux, et permettez qu’un soir.
N’ayant plus d’ennemis, je puisse enfin m’asseoir,
Irréprochable, auprès du foyer domestique
Pour ne plus m’éloigner de ma demeure antique ! »
Triste et las, le héros, sans apaiser sa faim,
S’étendit pour dormir sous les rameaux d’un pin ;
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