Page:Bouchor - Les Symboles, première série.djvu/202

Cette page n’a pas encore été corrigée

La forêt chère à Zeus, Trachis la Tille sainte,
Sa femme belle et chaste et qu’il laissait enceinte,
Ses fils qui n’avaient point encore combattu
Mais en qui revivrait sa puissante vertu.
Il embrassait aussi dans sa trouble pensée
Sa jeunesse terrible et si vite passée,
Tous les maux qu’il souffrit, l’avenir incertain,
Et les pièges tendus par le lâche Destin.

« J’ai pour cité, dit-il, la terre aux larges voies.
Je ressemble, homme errant et privé de mes joies,
À celui qui possède un champ très éloigné.
Comme il songe à, ce bien si rarement soigné !
Tout au plus le voit-il lorsqu’il sème ou moissonne,
Et le champ délaissé semble n’être à personne.
À peine mes enfants connaissent-ils ma voix.
Ils attristent leur mère en lui disant parfois :
« Dans quel lointain pays est allé notre père ?
Et quand reviendra-t-il ? » Elle, qui désespère,
Les distrait par des jeux ; et tous ont cru me voir
Si la porte gémit et cède au vent du soir.
Pourtant j’ai soutenu la plus horrible lutte
Avant qu’on célébrât mes noces par la flûte.
J’ai dû, pour conquérir ma femme aux tendres jeux,
Dompter Achéloos, dont la source est aux cieux,