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Un rire secoua la masse de la Terre.
« L’avenir crie en moi ; comment puis-je me taire ?
Écoute. Pour punir l’insatiable amant,
J’ai tiré de mon cœur un bloc de diamant
Et j’ai fait une faux tranchante, horrible, immense.
Puis j’ai dit à Cronos : « Que ton règne commence !
Ton père, qui meurtrit mon corps toutes les nuits,
Replonge au fond de moi mes misérables fruits :
Frappe-le. » C’est le soir ; et mon fils plein de ruse,
Averti tout à coup par ma plainte confuse
Que le stupide amant m’écrase de son poids,
S’approche de nous dans les ténèbres d’un bois,
Se glisse entre nos corps ainsi qu’une vipère,
Lance la faux et blesse affreusement son père.
Ouranos, dépouillé de sa virilité,
Hurle. Mais mon enfant subtil, l’ayant dompté,
Ramasse le débris informe qui palpite
Et dans la vaste mer au loin le précipite…

« Les restes pleins de sang s’éloignent sur les flots »
A l’aurore, parmi de lumineux îlots,