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Loin de la Terre informe il montait sans vertiges,
Ivre de sa pensée, ardent, libre, ébloui
De la pure splendeur qui rayonnait de lui,
Et sa fuite laissait de lumineux vestiges.

Vierge et nu, possédant la parfaite beauté,
Rien ne troublait encor son bonheur solitaire
Tandis que bouillonnait le chaos de la Terre,
Sans loi, sans harmonie, aveugle, illimité.

Mais la Terre, ayant soif d’obscures fiançailles,
Sentit confusément la présence du dieu ;
Sur sa face passa comme un souffle de feu,
Et l’avenir s’émut dans ses vastes entrailles.

La matière appelait l’Amour libérateur
Et brûlait d’être enfin pétrie et possédée,
Comme l’argile où va resplendir une idée
S’anime sous les doigts frémissants du sculpteur.

Masse horrible, profond et morne labyrinthe,
Caverne où le futur sommeille, elle voulut
Qu’un sublime baiser lui donnât le salut
Et que l’ordre naquît d’une immortelle étreinte.