Page:Bouchor - Les Symboles, première série.djvu/165

Cette page n’a pas encore été corrigée

Moi, j’offre chaque jour au Maître du destin
Un millier de lotus frais cueillis du matin.
Une fois j’en laissai tomber de ma corbeille
Un seul, qu’en murmurant vint frôler une abeille.
Pouvais-je le mêler aux autres sans péché ?
Pour que pas une fleur ne manquât, j’arrachai
Mon œil gauche, brillant comme un lotus du Gange.
Brahm reçut ma corbeille et sourit de rechange.
Ah ! tu frémis ? ton cœur va défaillir ? tu crains
Que l’humble adorateur de ses pieds souverains
Ne soit brutalement chassé de sa présence ?
Mais sa mansuétude égale sa puissance.
Celui qui sert les dieux par les dieux est béni ;
Et Brahm t’ apparaîtra, comme autrefois Agni
Montrait sa rouge aigrette à l’appel des ancêtres.
Ami, tous les chemins vont à l’Etre des êtres
Comme toutes les eaux descendent à la mer !
Approche donc. Ici, point de mépris amer.
L’Etre ineffable en qui la vie est enfermée
N’est pas capricieux comme une femme aimée.
Il n’exigera point de merveilleux cadeau ;
Offre une fleur des bois, une feuille, un peu d’eau.