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Brahma put contempler mille germes divers ;
Puis il développa lentement l’univers.
Mais il osa vanter son œuvre ; et, pour ce crime,
Un jour, pris de vertige, il roula dans l’abîme.
Là, comme il implorait l’éternelle pitié :
<( Je suis Celui par qui l’orgueil est châtié !
Dit une voix terrible. Incarne-toi. Mérite
Que toute vérité par toi seul soit écrite.
Nourri d’air et de fruits, sois cruel pour ton corps.
Médite sans relâche ; amasse des trésors ;
Et, pour purifier l’homme de ses blasphèmes,
Donne-lui les Yédas et d’immenses poèmes. »
Alors, bien que son noble empire lui soit cher,
Le radieux Brahma se revêtit de chair.
Civa, repu de sang, cherche la solitude.
Des vampires affreux forment sa cour. Dieu rude,
Il frappe sans merci pour les moindres péchés.
Il préfère aux parfums la cendre des bûchers.
Ses beaux jardins fleuris, ce sont les cimetières.
Il prie agenouillé, pendant des nuits entières,
Sur les âpres sommets du saint Himmalaya ;
Car, redoutant toujours les pièges de Maya,
Il veut, comme le tigre étendu sur sa proie,
Dans l’amour de son Dieu trouver toute sa joie.