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L’appeler Bhaghavat n’est point un sacrilège.
D’autres l’ont nommé Brahm, le bien, la loi, que sais-je ?
Prononcer tous ces mots, ce n’est qu’agiter l’air.
Tu peux crier dix ans comme un aigle de mer
En répétant les noms bénis dont on le nomme ;
Mais son essence échappe au£ paroles de l’homme.
Les poètes, vaillants et saints qui l’ont chanté
Durent cruellement rompre son unité.
Qui pense le connaître à tout jamais l’ignore.
Sa grandeur m’épouvante ; et ce n’est rien encore
De vénérer en lui le moyen et le but,
Et tout ce qui sera comme tout ce qui fut !
Sans se confondre avec aucune autre existence,
Partout il est présent, lui, l’unique substance.
Il se prodigue à tous sans être partagé.
Il ressemble au soleil qui n’a jamais changé,
Et qui ne s’émeut pas, lorsqu’il rit aux trois mondes,
De voir ses beaux rayons déformés par les ondes.

Mais, dis-tu, fallait-il que le pur Bhaghavat,
Sortant de son repos magnifique, rêvât
Cet univers peuplé d’impalpables chimères ?
Et ta bouche retient des paroles amères…
O mon fils, s’il daigna se répandre au dehors,
S’il voulut respirer en d’innombrables corps,