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Soudain l’on vit frémir l’impénétrable Eà.
Lui, l’antique seigneur de l’abîme, il créa,
Pour délivrer Istar des puissances haineuses,
Un messager de gloire aux formes lumineuses
Qui, robuste, et dans l’or des étoiles trempé,
Brandissait avec force une claire harpe.
« Va, dit-il, c’est le cœur des peuples qui t’envoie !
Mène Istar vers les dieux ; rends au monde la joie.
Frappe le sombre mur de ta harpe de fer :
Devant toi s’ouvriront les portes de l’enfer. »

Et le svelte Génie aux limpides prunelles
Etendit sur le vent du soir ses larges ailes.
Dès qu’il eut respiré l’air froid du triste lieu :
« Mon nom est le salut, dit-il ; je suis un dieu,
Et le roi de la mer défend qu’on me repousse. »

Allat grinça des dents et se mordit le pouce.

« Ah ! puisses-tu mourir cent fois ! Que le ciment
Des murailles te serve à jamais d’aliment !
Que ta boisson soit l’eau du cloaque des villes !
Que la corruption mange tes yeux serviles ! »