Page:Bouchor - Les Symboles, première série.djvu/141

Cette page n’a pas encore été corrigée


ALLAT


Écoute : je te hais. Souviens-toi que jadis
Flottait, seule, une morne et brumeuse étendue :
Le chaos de la mer. Quelle plainte éperdue
Un jour fit tressaillir le silence éternel !
Tout l’océan geignait pour enfanter le ciel.
La terre aussi parut. Nulle fleur n’était née ;
Pas un roseau. Le monde, encor sans destinée,
Attendait que les dieux sortissent de la mer.
Anou qui le premier foula le sol amer
Dans sa vaste pensée absorba l’existence ;
L’univers fut en lui ; tout devint sa substance.
Eà surgit ensuite, et, porté sur les flots,
D’un souffle intelligent pénétra le chaos.
Longtemps Bel fut songeur ; il fit des lois sévères
Et dans le stable azur régla l’ordre des sphères.
C’est alors que nos yeux s’ouvrirent au grand jour.
Tu montas vers le ciel, toi, faite pour l’amour ;
Et moi j’eus en partage, avec l’horreur de vivre,
Une terne couronne et mon sceptre de cuivre.


ISTAR


Oh ! que je baise enfin les yeux du bien aimé !…


ALLAT


Je déteste le jour où le ciel fut nommé.