Page:Bouchor - Les Symboles, première série.djvu/14

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

universel qu’il puisse être, portera toujours la marque d’un siècle et d’une race ; le poète, qu’il le veuille ou non, imprégnera son œuvre d’un sentiment tout nouveau qui en sera la vie.

Ce que le génie accomplirait, on peut le tenter avec de moindres forces. Chacun a le droit de prendre ses sujets hors de notre siècle ; et le poète y trouvera souvent de réels avantages. Les choses, vues à distance, lui apparaîtront plus simples et plus grandes ; la poésie s’en dégagera plus naturellement. Sans doute le milieu que l’on choisit doit être approprié au sujet, et il faut que le sentiment moderne soit fondu avec le reste d’une façon intime et harmonieuse. Mais cela ne présente pas une difficulté insurmontable ; on peut éviter le mensonge historique tout en faisant autre chose qu’une restitution sans âme.

Rien, dans le passé, ne me semble offrir un aussi profond intérêt que l’histoire des religions. Sans parler des croyances qu’elles revêtirent d’une forme admirable et dont plusieurs ont encore un si grand prix pour l’âme humaine, elles furent longtemps mêlées à toutes les choses de la vie. On ne peut, sans les bien connaître, se faire une idée juste de ce qu’étaient chez les anciens la famille, les mœurs, l’état social et politique, l’art, la science même