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Je dis, ô malheureuse, et tu fus lapidée
Par tes amants de Tyr, d’Égypte et de Chaldée.
C’est en vain que le fard avivait tes grands yeux
Et que l’amour brûlait sous tes longues paupières ;
Ils t’accablèrent tous avec de lourdes pierres,
Ils t’écrasèrent sous leurs dieux.

Tes enfants, dispersés au loin, te crurent morte.
Moi, je compris combien ta douleur était forte,
Car tu n’osais pas même espérer mon retour.
Tu ne me savais pas près de ceux qu’on opprime ;
Et tu te fis, afin de mieux pleurer ton crime,
Aussi chauve que le vautour.

Regardez-la, vous tous ! Elle est couchée à terre.
La fleur des nations, aujourd’hui solitaire,
Comme une veuve, éclate en sanglots chaque nuit.
Qui, dans son désespoir, pourrait assez la plaindre ?
A force de pleurer ses yeux semblent s’éteindre ;
Voilà qu’elle s’évanouit…

Mais non, réveille-toi, lève-toi, mon aimée !
Mes caresses t’auront bien vite ranimée.
Retournons au désert ! La terre des chaleurs
Où je t’avais menée aux jours de ta jeunesse,
Afin que dans tes yeux l’espérance renaisse,
Ne sera plus qu’un lit de fleurs.