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toujours et à jamais ! » Puis les contralti entonnèrent le motif : « Car il a triomphé glorieusement » et le chœur se déroula jusqu’à la fin avec une sauvage magnificence.

Rappelez-vous, Baille, qu’au moment où les eaux de l’abîme, soulevées par la musique, engloutirent Pharaon, ses chars et ses cavaliers, il fallut nous faire violence pour ne pas pousser des cris : sans le respect du lieu où nous étions, la fureur de notre enthousiasme eût effrayé tout le monde. Il y a pourtant de grandes œuvres qui n’appellent pas l’applaudissement. Celui qui vient d’entendre la Passion selon saint Matthieu se retire ému jusqu’au fond de l’âme ; il n’a point de paroles, et toute marque d’approbation lui paraîtrait sacrilège. On éprouve quelque chose d’analogue après le Parsifal de Wagner. Vous ne sauriez applaudir, si vous êtes resté cinq heures dans les ténèbres de Bayreuth, les yeux fixés sur des héros vaporeux comme des songes, bien qu’ils saignent de la plus douloureuse humanité. Quand vous n’êtes plus ébloui par l’étrange lumière où s’agitaient ces merveilleux fantômes, vous allez souper discrètement. Un malaise délicieux vous trouble l’esprit, le cœur