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d’un tout autre caractère : solennel dans le début, où retentissent les trilles mordants du hautbois et où s’élance comme une fusée la gamme ascendante de tout l’orchestre ; d’une angélique suavité dans la réponse de l’orgue ; implacablement rythmé dans cette descente des instruments à cordes que les archets raclent alors avec une si brutale franchise ; et, parmi ces inspirations diverses qui reparaissent tour à tour, plein d’une mystérieuse rêverie. Il est singulier que la musique puisse nous émouvoir autant sans que nous sachions le moins du monde de quoi elle nous entretient.

Le chœur se leva, et, après un court récit du ténor, il entonna une lamentation inouïe, qui est peut-être ce qu’il y a de plus sublime dans l’ouvrage entier. Elle fait penser au double chœur qui ouvre la grande Passion de Bach, et qui me semble dépasser tout ce qui a été fait dans la musique. La supériorité demeure à Bach, au double point de vue de l’architecture, vertigineuse dans le portail de la Passion, et aussi de la profondeur des sentiments ; mais la supériorité de Bach n’est certes pas écrasante, et peut-être fallait-il autant de génie — un génie tout