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J’imagine qu’un nombre indéterminé de siècles après qu’eut été accomplie la délivrance d’Israël, il plut à Jéhova (ou encore à Dieu le Père) de se donner un spectacle idéal de cet événement, où il avait joué le rôle décisif. Il y a bien, dans les plaintes qui ouvrent l’œuvre magnifique, un accent de douleur poignante ; mais on peut supposer que les patriarches, confesseurs et martyrs passés ou futurs, les saints et les saintes, les chœurs de Séraphins et de Trônes qui exécutèrent le sublime ouvrage eurent l’art de s’identifier avec les souffrances du peuple hébreu, écrasé par la pesante domination de l’Égypte. L’idéal se mêle ici merveilleusement au réel, comme dans toute grande œuvre musicale. Les chœurs relatifs aux plaies qui frappèrent la terre de Cham respirent à la fois une profonde terreur de la puissance divine et une joie sauvage de voir châtier le monstre des eaux, le pharaon blotti vainement sous les roseaux du grand fleuve, lui et tout son peuple de crocodiles. Mais le chant de triomphe de la fin est bien une transcription des joies de la terre faite à l’usage des armées du ciel ; l’exultation en est à la fois humaine et divine, et quelles