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Robert Lozé

qui surprendra, il ne manquait pas de travail. Avec la confiance publique, les affaires venaient.

On comprend qu’il n’acceptait pas comme autrefois tout ce qui se présentait. Beaucoup de gens trouveront même qu’il se montrait trop sévère, à la façon des nouveaux convertis. Mais nous ne peignons pas ici un personnage imaginaire, et nous devons dire les choses telles qu’elles se sont passées, sans d’ailleurs prendre la responsabilité des opinions ni des conséquences.

Des fournisseurs vinrent lui offrir la perception de leurs créances, aux conditions ordinaires du tant pour cent sur les montants perçus ; chose défendue par les règlements du barreau qu’on élude quelquefois. Il s’agissait en somme de saisir les meubles et le salaire d’une foule de petites gens, de les mettre sur le carreau, suivant l’expression consacrée.

Robert refusa tout cela.

— Je ne prétends pas, dit-il à ces personnes, que ce que vous me demandez de faire soit illégal ou injuste. Il est même probable, dans l’état actuel de la loi et de l’usage, que vous ne puissiez pas faire autrement que vous faites. Seulement, les dettes dont vous désirez poursuivre le recouvrement, tiennent plus ou moins à une plaie sociale dont les ravages sont apparents. Je veux parler de ce système qui consiste à encourager d’une part le consommateur à une dépense qui va souvent au-delà de ses moyens, et d’employer ensuite contre lui des modes de recouvrement cruels, puisque, s’ils sont efficaces, ils atteignent bien plus les innocents que les coupables, tandis que la plupart du temps le remède est illusoire. Vous savez cela par expérience, puisque, afin d’éviter des risques personnels, vous me proposez à moi d’enfreindre les règlements de mon ordre. Le fournisseur en souffre autant que le consommateur, et personne n’en profite, pas même, à la longue, ceux dont le métier est de faire rendre gorge aux imprudents qui s’en-