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ROBERT LOZÉ

courage savait vaincre les obstacles. Tandis que lui, Robert, par fausse direction première, par routine, par lâcheté, n’avait songé qu’à se dérober et qu’à chercher des appuis extérieurs qui au moment critique lui avaient fait défaut.

La punition était juste, il le reconnaissait. Remontant dans son passée, il voyait clairement l’erreur fondamentale de toute sa vie : l’absence de courage et de pensée. Il était entré sans penser et sans comprendre dans une profession où l’élévation de caractère est aussi essentielle que la science et le talent. Le résultat logique s’était produit ; il avait nécessairement été moins que médiocre. Il avait fait comme d’autres, hélas ! qui tombent de toute la hauteur de leur ambition de jeune homme dans quelque métier dangereux qui sape par la base l’honnêteté publique, puisque l’intelligence, l’instruction et la puissante sanction des lois y sont mises au service d’une pensée égoïste et souvent d’une jalousie féroce.

— Et je resterais ainsi sous le fait déshonorant de l’impuissance ! pensa Robert en se redressant. Non, mille fois non ! Je saurai me réhabiliter à mes propres yeux, comme aux yeux de ceux qui s’intéressent à moi. Je me relèverai, je m’élèverai par moi-même, sans songer aux secours extérieurs. Et si par malheur je dois succomber, ce sera, au moins, en combattant.

Mais, que dis-je ! Ai-je le droit de succomber ! Ô ! Irène, noble cœur qui m’a enfin fait connaître le mien, pour toi je saurai, quoiqu’il m’en puisse coûter, sortir victorieux de ce combat. Je me présenterai à toi digne enfin de ton amour si pur, si désintéressé, qui, comme celui d’une sainte, exalte et console.

C’est ainsi que Robert dépouillait complètement le vieil homme. Rempli désormais d’une véritable humilité, il jouissait pour la première fois de l’ivresse incomparable de la vraie fierté, de cette fierté saine et virile de l’homme qui ose et qui veut.