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ROBERT LOZÉ

du jour. Cependant, comme il arrive souvent pour des hommes de cette valeur, il était à l’occasion écouté des ministres qui ne manquaient pas d’accorder à sa circonscription une juste part des faveurs de l’État. Ne croyant pas pouvoir lutter heureusement contre lui, on conservait à son endroit une attitude de neutralité que sa modération rendait possible et commode. Il n’en devait pas être ainsi à l’égard d’un inconnu, d’un conscrit politique qui n’était rien par lui-même. Des ambitions nombreuses rendirent facile le choix d’un adversaire. On en choisit un qui paya de sa personne. Gabriel Coutu, une fois engagé, ne ménagea pas sa peine, ni même son argent, encore moins celui de ses amis politiques. Des orateurs et des agents plus ou moins avoués inondèrent la circonscription. Dans les luttes de ce genre tous les arguments sont bons pourvu qu’ils portent. La délicatesse, la bienséance et les vertus théologales sont mises de côté. Certains jeunes gens de Montréal, confrères de Robert, qui en temps ordinaire n’auraient pas voulu lui faire affront, s’attachèrent à le ridiculiser et à l’amoindrir. Sa carrière au barreau, son installation avec Bittner, personnage connu, son trafic en dettes de banqueroutiers, sa prédilection pour une grande dame et le beau monde, tout cela fut exposé avec exagération. Il est vrai que ceux qui attaquaient ainsi n’avaient pas toujours l’avantage et qu’ils étaient souvent maltraités dans la riposte, étant dans la situation de la pelle qui se moque du fourgon. Mais ils n’étaient pas candidats, ce qui faisait toute la différence.

Devant cette avalanche, Robert tint bon. Il se multiplia ; il acquit vite cette facilité de parole qui manque rarement à ses compatriotes. La timidité, ce défaut physique, cause de tant de mécomptes chez les jeunes gens, lui était inconnue. Il eut des sympathies. On admira son courage. Mais il était presque entièrement seul. Le docteur de Gorgendière ne se montrait guère, sa santé semblait lui donner des