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ROBERT LOZÉ

M. de Gorgendière fut absent trois jours. Il dut faire sur le compte de Robert une enquête complète, si l’on en peut juger par ce qu’il dit à sa fille à son retour.

— Robert n’est pas un méchant garçon. Il est intelligent et rangé. Mais c’est un avocat de quatre sous. Il vivote comme des centaines d’autres et ne fera rien de sérieux par lui-même.

— Mon père, vous me faites beaucoup de peine.

— Attends un peu avant de pleurer. Certaines de nos parentes là bas le connaissent. Elles m’assurent qu’il a plus de qualités solides que je ne lui en prête.

— Oh ! Elles ont certainement raison.

— C’est ce que nous verrons. Je vais le mettre à l’épreuve. Je ne puis faire autrement lorsqu’il s’agit de lui confier mon trésor, ajouta-t-il en l’embrassant tendrement. Tu crois qu’il est ambitieux ? Eh ! bien, il sera candidat à ma place.

— Que vous êtes bon, cher papa !

— Oui, il sera candidat. Quant à être élu c’est autre chose. J’espère bien que nos gens ne seront pas assez imprudents pour confier leur mandat à un jeune prétentieux sans valeur, sans connaissances en matière de gouvernement et qui n’a vécu jusqu’à présent que de choses qui ressemblent fort à la rapine.

— Oh ! papa !

— Le mot est un peu fort ? Soit. Il n’est pas plus coupable que les autres, qui font comme lui. Ces carrières-là sont encombrées. Ces pauvres enfants s’y perdent. C’est déjà assez malheureux. Mais faire de ces gens-là des législateurs, des diplomates…, ce n’est pas mon idée. Aussi j’espère qu’il ne sera pas élu. Mais si l’enfant a du bon, comme on le dit, l’épreuve lui sera aussi salutaire qu’elle sera rude.

— Pauvre Robert !