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ROBERT LOZÉ

qui commençait à tomber, les yeux d’Irène répondirent. Le jeune homme l’attirant à lui la baisa aux lèvres. Puis ils revinrent ensemble sous les grands arbres, lentement et sans parler.

Ce soir-là, lorsque le docteur de Gorgendière fut installé dans son fauteuil avec sa pipe et son journal, Irène alla l’embrasser.

— Aimez-vous Robert Lozé, papa ? dit-elle d’une voix un peu hésitante.

Le médecin se dressa dans sa chaise et regarda sa fille.

— L’aimerais-tu, toi ?

Irène l’embrassa de nouveau et sans répondre directement :

— Il viendra vous parler demain, dit-elle.

— Alors, c’est sérieux.

— Je crois que oui, papa.

— Tu sais, Irène, que je ne suis pas homme à te causer de la peine inutile, ni à te contraindre. En cette matière comme en tout le reste, je te laisse libre, je respecte tes désirs et ton jugement. Mais je ne connais pas ce jeune homme. Avant de donner mon consentement dans une affaire aussi grave et dont dépend le bonheur de toute ta vie, il faut que je l’étudie et que je le connaisse à fond.

— Vous savez, papa, qu’il est sans fortune. Mais il a beaucoup d’ambition, et je suis sûre qu’il réussira.

— Fort bien, nous le mettrons à l’épreuve.

— Vous ne serez pas trop sévère ?

— Pas plus qu’il ne faudra. En attendant, tu lui feras comprendre qu’il convient qu’il se tienne à distance. Surtout, tu ne lui diras rien de mes intentions à son endroit.

— Je vous le promets, papa.

Irène était habituée à une certaine brusquerie de surface sous laquelle son père cachait sa tendresse. Elle l’embrassa de nouveau et il ne fut plus question de Robert ce soir-là.