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Robert Lozé

elle leur avait porté des provisions plusieurs jours de suite et avait essayé de les soigner. Voyant néanmoins que leur état empirait, elle avait averti son père, lequel avait constaté avec terreur que sa fille avait soigné des variolés. Il s’occupa tout de même de ces pauvres gens qui certainement durent la vie au médecin et à sa fille. Puis il s’enferma avec la pauvre enfant qui avait contracté la maladie. Depuis lors, chaque automne, les sauvages reconnaissants venaient porter à leurs bienfaiteurs des offrandes de gibier et de poisson.

Irène était restée pensive depuis sa visite chez madame Lozé. Comment était-il ce jeune homme qui revenait ? Elle l’avait bien connu autrefois. Mais il était parti grand garçon, elle étant encore fillette.

— Robert Lozé revient, dit-elle plus tard à son père rentré pour souper.

— Ah ! vraiment ? Il en est temps.

— Comment dites-vous, père ?

— Il me semble que c’est assez clair. Un fils ne doit pas négliger sa mère. Jean et Robert, en voilà deux qui ont coûté des larmes à madame Lozé.

— Mais elle me dit que Robert est très occupé, que c’est un avocat distingué.

— Possible. Cela m’est égal.

— Père, vous me semblez préoccupé ce soir.

— Il y a de quoi. Je viens d’apprendre la dissolution du Parlement. Le mois prochain nous serons en pleine élection. Je ne m’appartiendrai plus. À mon âge, on commence à compter les fatigues.

— Alors ne vous présentez pas. Vous en avez assez de cette vilaine politique.

Le médecin, sans répondre, baisa sa fille au front et alla s’enfermer dans son cabinet de travail.