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Robert Lozé

gens de son âge et de sa condition. Le temps que ne réclamait pas l’atelier, il le passait à lire ou à observer, c’est-à-dire à penser. L’homme qui pense est une lentille qui concentre les rayons ; il finit par en jaillir une étincelle. La pensée qui s’obstine, c’est le levier d’Archimède.

La pensée germait confuse chez ce jeune homme ; il lui fallait l’éloignement des autres hommes, le silence et la retraite pour s’étudier et se comprendre. Hardi et habile autant que réfléchi, il s’aventurait souvent dans son léger canot sur la mer du Michigan, et loin des rives, bercé par le flot, il mûrissait des projets d’avenir. Parfois aussi, remontant le cours de quelque rivière ombreuse, il rêvait de choses moins austères. C’est ainsi qu’il passait les jours de chômage.

À force donc d’appliquer les résultats de ses études et de ses réflexions aux choses de son travail journalier, ce jeune homme était devenu l’ouvrier le plus considéré de la fabrique où il travaillait, et il y avait conquis la position de contre-maître.

La région où il s’était fixé, est, nous le savons, la grande distributrice des richesses agricoles de l’Amérique septentrionale. Elle est aussi un centre important de ces fabrications dont les essences forestières forment la base. Industrie prospère encore en ces lieux, mais qui n’y vivra pas longtemps, par suite de la rareté croissante de la matière première.

C’était dans une fabrique de ce genre que le jeune homme avait voulu commencer sa carrière, et cela pour des raisons que la suite de ce récit fera voir. Les procédés connus de ces productions : pâtes, papiers, tentures, bois fabriqués, boiseries artificielles, tout cela, nous l’avons dit n’eut bientôt plus de secrets pour lui. Mais dans cette industrie relativement nouvelle, le génie de l’homme n’a pas dit son dernier mot ; loin de là. Il restait alors, il reste encore un vaste champ aux inventeurs de l’avenir.