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CHAPITRE VIII

L’Ouvrier.


Sur le territoire si populeux et si riche de la république des États-Unis, il est deux points qui, comme des aimants irrésistibles, semblent attirer les énergies, les activités et les richesses presque tout entières de ce grand pays.

New-York domine dans la région qui s’étend du Mississippi à l’Atlantique. C’est ce qu’on pourrait appeler la vieille Amérique, une Amérique industrielle et, par comparaison, conservatrice.

Cérès, reine de l’Occident, voilà Chicago. Couronnée d’épis d’or, elle verse au monde l’abondance. Cent villes magnifiques lui font cortège : ce sont ses greniers. Elle tient dans un réseau d’acier les plaines qui s’épandent en ondulations fertiles jusqu’aux Rocheuses et qui sont son royaume. Nanties de ses trésors, des flottes innombrables, des mers intérieures gagnant l’océan, vont nourrir l’Europe armée en guerre qui lui demande du pain.

Les hommes sont ses esclaves. Elle les soumet à un travail incessant, et ce travail finit par les ennoblir. Ils grandissent. Leur esprit prend l’ampleur du milieu où ils vivent. Mais leurs visées plus hautes que celles des chefs d’empire, ne dédaignent pas les humbles débuts et les efforts patients qui préparent le succès.

Dans une de ces villes satellites de la ville soleil, une quinzaine d’années avant que commence cette histoire, vivait un ouvrier modèle. Quoiqu’il eut à peine dix-huit ans, il prenait rarement part aux amusements des jeunes