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ROBERT LOZÉ

CHAPITRE I

Le Vagabond.


Par un beau soir du mois de juin, deux fiancés errent dans les champs de Saint-Lambert, près de l’extrémité du pont Victoria.

La petite ville, qui en face de sa grande sœur semble une solitude, dort paisible mais pas tout-à-fait silencieuse. Par intervalles, l’oreille perçoit un grondement sourd qui bientôt s’accentue et se rapproche. Le vaste pont frémit sur ses assises de pierre, un nuage rougeâtre s’élève du tablier. Tout à coup, cyclope sortant d’un gouffre, la locomotive s’élance sur la rive, déchire l’air de son sifflement, puis comme un météore, traînant après elle sa longue queue de wagons, passe et disparaît dans la nuit.

Les deux promeneurs, jeunes gens de la classe ouvrière, ont voulu sans doute voir de plus près le passage d’un train. Ils gravissent maintenant les degrés de granit qui forment le talus de la voie, à l’endroit où elle fait voûte au-dessus du chemin des voitures ; et dépassant la maisonnette du gar-