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CHAPITRE VII

Mirage.


C’est ainsi que dans ces mois de l’été et de l’automne, Robert Lozé, qui avant cette époque n’avait eu guère de relations, dont l’existence avait été presque solitaire, dont l’esprit avait été fixé sur un seul objectif fort peu élevé, entra dans la vie sociale et commença à se frotter aux autres hommes. À ce contact, il avait grandi intellectuellement ; maintenant, il pensait et il commençait à regarder les choses de plus haut. Peut-être ses nouvelles connaissances n’eussent-elles pas été le choix de parents prudents, pour leur fils. Mais cette société avait au moins un avantage, elle n’était pas terre-à-terre, elle forçait à observer et à réfléchir. À ce point de vue, elle lui était utile et instructive.

Il faut élargir les horizons.

Est-il rien de désolant comme le spectacle d’une jeunesse à demi instruite, et, conséquence nécessaire, bornée, aux ambitions basses, à l’égoïsme intense, concentré et jaloux ! Il y a en tout cela des abîmes d’immoralité, du côté social comme du côté religieux. Peut-il se croire chrétien et bon citoyen celui qui dans son âme ne sait pas contempler l’humanité et dire : ce sont mes frères ? Pour faire cela il faut que l’âme soit grande et le caractère viril. Il est vrai que les grandes qualités peuvent parfois dégénérer en abus, et que l’homme qui a conçu de vastes pensées peut se montrer, dans leur exécution, cruel et barbare. Mais, s’il faut choisir, l’abus d’une qualité est moins désespérant que sa complète absence.