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Robert Lozé

homme honorable mais peu lettré, n’aurait pas su le diriger. L’enfant, connaissant les intentions de son oncle, n’osait lui faire part d’aspirations qui devaient les contrecarrer. De livres, il ne possédait que quelques prix de collège, excellents dans leur genre, mais qui ne pouvaient répondre aux mille questions d’une jeune intelligence en marche. Il aurait sans doute pu trouver parmi ses professeurs au petit séminaire, le guide dont il avait besoin. Malheureusement, il éprouvait à leur endroit la même gêne qui l’empêchait de s’ouvrir à son oncle.

Le cas exposé ici est assez général puisqu’il a donné lieu dans certains quartiers à une guerre, plus ou moins ouverte, et suivant nous bien injuste contre les collèges classiques. Sans doute, le mal existe et à l’état aigu, mais ne déterminons pas à la légère les responsabilités, et jugeons-nous nous-mêmes avant de condamner les autres.

Fondés dans le but unique et avoué de recruter le clergé, les séminaires ont incidemment formé un grand nombre d’hommes de profession et d’hommes d’État. Doit-on leur imputer à crime que leur œuvre est plus grande que leur idée première ? Est-ce mal de leur part d’instruire presque gratuitement ? Les blâmera-t-on d’avoir su composer un corps enseignant où l’on trouve parmi les professeurs et les pédagogues, des savants et des penseurs ?

D’un autre côté, il est très vrai que l’éducation qui convient pour le prêtre qui, suivant le brocard du droit canon, doit vivre de l’autel, n’est pas celle qui rend propre à soutenir les luttes de la vie dans le monde. Diriger les âmes et gagner son pain, sont des choses différentes. C’est ce qui fait que tant de jeunes gens entrent désarmés dans l’arène. Les séminaires reconnaissent cela. Ils font certaines concessions aux carrières civiles. Mais ils répondent en même temps aux chefs de famille qui se plaignent : « Agissez donc vous-mêmes. Vous êtes les principaux inté-