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Robert Lozé

ses yeux. L’homme tente plusieurs efforts inutiles, puis immobile, les sourcils froncés, il manipule ses pièces d’un air distrait. Mais voici que tout à coup il en saisit une, il la place d’une certaine manière, il a trouvé la clef, chaque pièce s’emboîte facilement et l’image idéale est reproduite en entier.

Ainsi, dans ce paisible hameau, un souffle créateur avait passé. Sur la hauteur s’est dressée l’usine qui bientôt déverse dans la plaine un flot inépuisable de richesses. La foule est accourue pour les recueillir, elles les entasse sur les quais qui s’avancent dans la mer, où de grands vaisseaux les prennent pour les répandre aux quatre coins du monde.

Et cette foule toujours grossissante, toujours plus affairée, est un puissant maelstrom qui engouffre toutes les subsistances de la contrée. Mais à sa surface flotte une écume d’or qu’on recueille et qu’on distribue au loin. Dans les campagnes, on multiplie les cultures et les troupeaux. Tout s’anime, les esprits deviennent actifs et ingénieux, chacun donne de plus en plus pour alimenter le vaste courant et plus on lui donne plus on en reçoit. C’est ainsi que maintes fois on a vu une idée juste transformer une région, une province, un pays, un continent, et dans les choses de l’âme et de la pensée, régénérer le monde.


Les deux frères montent ensemble dans le char qui, aussitôt s’éloigne rapidement dans la direction du village de l’Industrie.

Robert allait de surprise en surprise.

Que de changements dans ce ravin jadis si solitaire ! La nuit est tombée avant leur arrivée, mais tout est éclairé comme en plein jour par des multitudes de lumières électriques. Dans les rues propres et soigneusement empierrées, circulent les ouvriers par groupe nombreux. Le char tra-