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Robert Lozé

Sur les quais tout neufs circule une foule affairée. Partout des chars mus par l’électricité transportent des voyageurs, ou des marchandises qu’on décharge sur les quais près des vaisseaux.

Que veut dire tout ceci ? Robert connaît cet endroit, du moins il croyait le connaître, car il y est descendu plus d’une fois. Mais le port était alors désert et dans la ville somnolente chacun poursuivait paisiblement son petit bonhomme de chemin. C’était hier le sommeil, c’est le réveil aujourd’hui.

Pendant qu’il contemple cette scène, un wagon électrique s’est arrêté tout près de lui. Ce n’est pas un char de marchandises. Au contraire, il est aménagé avec luxe et sur son flanc on lit ces mots : « Usine de l’Industrie, char du directeur. » Jean en descend, il sert la main de Robert.

Jean !

Oui. Robert comprenait.

C’était Jean le magicien qui avait opéré cette transformation. Deux années lui avaient suffi pour accomplir cette merveille.

Mais qu’importe le temps à la vérité qui est éternelle. On a vu construire péniblement des œuvres éphémères que le premier souffle a emporté. L’œuvre durable peut occuper des siècles, elle peut aussi se produire en un instant. C’est que l’inspiration varie dans ses manifestations. Souvent l’esprit humain marche lentement vers un but et presque sans s’en rendre compte ; c’est l’évolution normale. Parfois, la vérité apparaît comme un éclair dans le ciel, son triomphe est instantané, l’homme se rend, son aspiration est satisfaite, il touche au bonheur.

Avez-vous jamais remarqué un homme s’acharnant contre quelque casse-tête chinois. Il s’agit de placer certaines pièces de manière à reproduire une image qui est là, devant