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ROBERT LOZÉ

grande ouverte, parcourt rapidement la longue avenue en pente douce, qui serpente sous l’ombrage des bouleaux et des ormes, et s’arrête enfin devant une maison basse, mais vaste, entourée de larges vérandas. De grands érables l’ombragent de toutes parts, des pins majestueux forment la ceinture extérieure de ce bosquet. Le terrain adjacent est disposé en pelouses et en parterres coupés par des allées sablées, dont une se prolonge à travers les champs jusqu’à la falaise.

Sous la véranda, M. de la Chenaye, sa fille et son gendre se lèvent à la vue de leurs visiteurs et leur font l’accueil le plus cordial.

Ce n’est pas l’espace qui manque à la villa de Sous-les-bois. On y est grandement à l’intérieur. Mais pendant la belle saison, on vit surtout sous les bois qui ont donné leur nom au domaine. Le vieillard fait avec une satisfaction évidente les honneurs de sa belle propriété. Il conduit ses visiteurs jusqu’à l’extrême cime du cap bordée de bosquets de pin, dont les aiguilles tombées sur le sol forment sous les pieds un tapis doré, moelleux, mais glissant. Sous cette voûte sombre, l’œil embrasse un coup-d’œil ravissant. Aux pieds du spectateur, bien loin en bas, s’étend le fleuve plus large qu’à Québec même et tout aussi animé. De grands vaisseaux sont là, engloutissant dans leurs flancs entr’ouverts d’énormes pièces de bois. Les arrimeurs chantent en travaillant de vieux refrains monotones auxquels la distance prête une douceur indicible. Au large, descendent des radeaux gigantesques couverts de huttes comme des villages flottants. Remorqués quelquefois par des bateaux à vapeur, ils sont plus souvent poussés par les voyageurs eux-mêmes dont le costume pittoresque survit heureusement au progrès, et dont la chanson toujours nouvelle, sert à rythmer le mouvement des rames :

Nagez, rameurs, sur l’onde qui fuit,
Le rapide est proche et le jour finit