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ROBERT LOZÉ

fils, un garçon de quinze ans, de les disposer sur les points saillants du rocher. Il devait ensuite héler le navire, et conseiller de mettre des chaloupes à la mer, afin que tout fut prêt lorsque le gardien viendrait les guider jusqu’au débarcadère.

Puis il était lui-même descendu jusqu’à la mer par des degrés taillés dans le roc, au seul endroit où il soit possible de monter ou de descendre. Ces degrés conduisaient à un port minuscule suffisant à peine à abriter une grande chaloupe, et dont l’entrée était fermée par un brise-lames. Il dégagea cette entrée, s’embarqua, saisit les rames et se guidant presque par instinct, car les nombreuses lumières pénétraient à peine la densité du brouillard, il parvint jusqu’à l’épave. Déjà les passagers et l’équipage attendaient dans les chaloupes du bord. Cette attente était sans danger, car la mer n’était guère agitée que par le mouvement de la marée. Babin les guida jusqu’au petit port, et bientôt tous étaient sur le rocher, sauvés. Quant aux gros bagages et à la cargaison, il était impossible de s’en occuper avant le matin. Si, à cette heure le vaisseau flottait encore, on tenterait ce sauvetage.

Mais bien avant le jour on entendit un grincement, puis un bruit sourd. C’était le steamer qui quittait le récif et qui s’engouffrait dans la mer.

Lorsque l’« Alice » s’approcha du Pilier, on ne voyait plus que les extrémités des mâts du malheureux navire. Sur le sommet du rocher, la foule des naufragés s’apprêtait à s’embarquer dans les chaloupes qui formaient une petite flottille à ses pieds. Il y avait là les embarcations du vaisseau naufragé et ceux du cotre qui attendait toujours au large.

Sur le petit Pilier, on voyait deux hommes au travail. C’étaient Babin et son fils qui rétablissaient temporairement la lumière, après avoir recueilli les restes du pauvre Célestin Tranquille.