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ROBERT LOZÉ

Après s’être assuré que le pauvre garçon possédait assez d’intelligence, pour allumer et éteindre les lampes, il l’amena avec lui et l’installa. Célestin fut parfaitement heureux dans l’exercice de ses nouvelles fonctions. Il passait sa vie sur le balcon circulaire qui entourait son phare et chantait tout le long du jour en regardant la mer. Souvent la nuit, il y dormait. Jamais il ne demandait un congé pour aller à terre et il semblait ne redouter qu’un chagrin, celui d’être obligé de quitter son petit Pilier à l’automne.

Aujourd’hui, quand par un temps calme on passe d’un pilier à l’autre, si l’on regarde dans l’eau, l’on aperçoit un objet noir qui s’allonge, entre les deux rochers, comme quelque gigantesque léviathan qui se serait endormi là. C’est la carène d’un navire.

Nous avons laissé le garde-côte acharné à la poursuite de la goélette contrebandière. Ce commandant voyait avec chagrin cette proie lui échapper, car depuis quelque temps on signalait une recrudescence de contrebande et les autorités exigeaient des exemples. Connaissant bien son vaisseau et les parages où il se trouvait, croyant aussi être au courant des tours de la contrebande, il s’était avancé dans la brume à petite vapeur et avec de grandes précautions.

La goélette profiterait de la brume pour tenter de s’esquiver. C’était prévu.

Plusieurs cargaisons illicites avaient été cachées récemment, dans certaines cavités naturelles, creusées par la marée dans le sable entre Saint-Jean Port-Joli et l’Islet, à telle enseigne que les caches ayant été découvertes par des garçons de ferme, ils avaient, pendant plusieurs semaines, arrosé de vin de Moselle leur repas du midi. Sachant cela, le commandant avait lieu de croire que les fugitifs se dirigeraient de ce côté. Son projet était donc de se porter en