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ROBERT LOZÉ

— À en juger par son allure, il est parti en chasse.

— En effet. Il donne la chasse à un contrebandier.

— Un contrebandier ! Mais où est-il ?

— Il file le long de la terre, au sud. On ne le voit pas en ce moment. Il est caché derrière les îles et se tient dans les endroits de peu de profondeur où le cotre n’ose pas s’aventurer.

— Si c’est une chasse, j’en suis, dit Alice.

— Et moi aussi, fit Irène.

— Nous ne pourrons pas les suivre, le vent tombe, reprit Jean.

— Oui, le vent tombe. Et voici la brume qui vient, s’écria un des marins en examinant l’horizon avec une satisfaction évidente.

— La brume, dit Irène. Alors le contrebandier pourra s’échapper.

— C’est possible.

Le vent tombait en effet. La côte nord était maintenant cachée comme par un grand mur grisâtre qui se rapprochait lentement. Le cotre avait ralenti sa marche. À bord du yacht, on s’occupait à dégager les ancres. Brusquement, les passagers de l’Alice eurent la sensation d’une immense couverture humide et froide qui les aurait enveloppés. On ne voyait plus qu’à quelques pas. C’était la brume.

Sur le fleuve Saint-Laurent, le brouillard est bien plus dangereux que la tempête. Dès qu’il arrive, la navigation devient impossible dans ces eaux intérieures où en temps ordinaires, les vaisseaux sont guidés par un excellent système de phares et de bouées. Les prudents cherchent le mouillage le plus rapproché et redoublent de vigilance ; alors ils sont à peu près en sûreté. Malheureusement, il existe encore des imprudents, qui, pour gagner quelques heures, exposent la vie des hommes et les biens qui leur sont confiés. Il en a résulté des désastres qui ont donné à notre