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ROBERT LOZÉ

— J’aurais passé pour un excentrique parce que bien peu de gens auraient été en état de me comprendre. Ce que j’avais là, c’était pourtant un grand capital. Combien de jeunes gens dans notre pays, et de mieux doués que moi, végètent dans l’obscurité, faute d’être compris. Et qui pourra dire le désespoir de ces infortunés, méprisés par une foule de gens qui leur sont inférieurs, mais auxquels l’ignorance presque générale donne le pas. Voilà, n’est-ce pas, beaucoup de capital perdu qu’il serait urgent de mettre en valeur.

— Vous me faites penser aux rats de la fable. La difficulté insurmontable, c’est d’attacher le grelot.

— Il n’y a qu’une seule difficulté, c’est de vaincre le préjugé. Nous y parviendrons en répandant l’instruction, surtout l’instruction industrielle parmi les écoliers, parmi les ouvriers, parmi tous ceux qui désirent pousser plus loin leurs études. Que les choses du développement industriel deviennent familières à tous.

— Mais à quoi servira toute cette science si nous manquons de capital ?

— Vous croyez donc, Irène, que nous manquons de capital ?

— C’est du moins ce que tout le monde dit.

— Ne dit-on pas aussi que nous avons des richesses naturelles immenses ?

— Sans doute.

— N’avons-nous pas aussi l’avantage inappréciable d’un gouvernement provincial autonome dont l’unique devoir en ce moment est de développer ces ressources ?

— Je l’admets.

— Si nos richesses sont immenses, et si nous possédons l’organisation qu’il faut pour les mettre en valeur, comment pouvons-nous manquer de capitaux ?

— C’est un capital non développé qu’il est impossible de mettre en valeur sans argent, dit Robert, venant au secours d’Irène.