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Robert Lozé

— Vous demanderez madame de Tilly, dit-elle.

On connaît ces enquêtes devant le coroner ou juge d’instruction, scènes lugubres où commence le dénouement de tant de sombres tragédies. Celle-ci fut courte. L’identité du mort avait été établie comme celle d’un vagabond par plusieurs serre-freins. Il avait une réputation de férocité qui, même dans des circonstances moins favorables, même sans le témoignage de Louise, aurait été suffisante pour justifier l’action de Bertrand. L’avocat eut donc peu de chose à dire. Mais ce peu, il le dit si bien que son client fut complimenté par le jury et honorablement libéré par le magistrat.

Ils revinrent ensemble au bureau de Lozé, où Bertrand entama la question de l’honoraire.

— J’ai eu peu de chose à faire, répondit l’avocat, après un instant de réflexion. Si vous croyez me devoir, vous pourrez vous acquitter en m’envoyant vos amis qui ont des procès. Il prit un paquet de cartes dans un tiroir et en passa quelques-unes à l’ouvrier. Celui-ci les accepta avec empressement, serra la main de l’avocat, et sortit avec Louise, tous deux pénétrés de satisfaction et de reconnaissance.

Lozé, resté seul, rejeta les cartes dans le tiroir avec un mouvement presque de dégoût, et se laissa tomber dans un fauteuil.

— Il est triste, murmura-t-il, d’être condamné à ne jamais faire une bonne action sans arrière pensée. « Oportet vivere ! » hélas !