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ROBERT LOZÉ

soir nous dressions la tente, autant que possible près d’un cours d’eau. Nous allumions de grands feux, quand nous trouvions du combustible sous la main, car les nuits sont froides dans la prairie. Les chevaux lâchés allaient brouter librement, à l’exception d’un seul que nous tenions attaché, afin de pouvoir nous en servir le matin pour faire rentrer les autres au camp. C’était mon propre cheval que je tenais attaché et c’était moi qui ramenais les chevaux. Je n’aurais pas voulu confier cette besogne importante à de tels guides.

Depuis quatre jours nous voyagions ainsi, lorsque nos deux guides se prirent de querelle. Les revolvers étaient armés et le sang semblait sur le point de couler lorsque nous réussîmes à maîtriser et à désarmer le plus furieux. Celui-ci ne nous pardonna pas notre intervention. Il s’élança sur son cheval et s’éloigna au galop en jurant vengeance contre nous et contre son compagnon.

Cet incident me fit redoubler de vigilance. Plusieurs circonstances me portaient à soupçonner que cette querelle n’était qu’une feinte et que les deux métis ourdissaient contre nous quelque sinistre conspiration. Mes compagnons, malheureusement, ne partageaient pas ma défiance et j’étais seul à veiller. Pendant quarante-huit heures, je fermai à peine l’œil. Mais la troisième nuit, vaincu par le sommeil, je m’assoupis, le licou de mon cheval passé à mon bras.

Tout à coup je me sentis vigoureusement poussé. J’ouvris les yeux. Il faisait grand jour. Les deux jeunes français me réveillaient. Ils paraissaient fort inquiets. Je ne tardai pas à comprendre la cause de cette inquiétude. À l’exception du mien toujours à mes côtés, pas un cheval n’était en vue. Le second guide avait dû décamper pendant la nuit, poussant toute la troupe devant lui.

Si le chameau est le vaisseau du désert, le bronco est le